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Libération
Interview

""L'individu n'a qu'une valeur marchande""

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publié le 20 juin 2000 à 1h38

Robert Castel, sociologue et historien, est l'auteur des Métamorphoses de la question sociale, une chronique du salariat. Il est opposé au système du Pare.

Le Pare est-il révolutionnaire?

Oui, il implique une transformation complète de la conception du chômage. Jusque-là, si l'indemnisation était imparfaite, elle permettait de toucher un salaire différé quand, par malheur, on était privé d'emploi. Quand il était mis à la porte, le salarié n'était pas tenu pour responsable de sa situation. La logique du système d'indemnisation du chômage se rapprochait de celui de la retraite: en travaillant, on acquiert des droits. Qui permettent de continuer à mener une vie décente, même si on a quitté le monde professionnel, à cause de l'âge ou par la faute d'un licenciement. Le Pare remet complètement en cause cette logique.

Y percevez-vous une volonté de rendre responsable le chômeur de sa situation?

C'est implicite. En menaçant les chômeurs de sanctions s'ils n'acceptent pas le travail proposé, on montre bien qu'ils sont les seuls responsables de la situation dans laquelle ils se trouvent. On entre dans le système libéral anglais dans lequel on "blâme les victimes". Qui plus est, c'est une conception discutable de la responsabilité. Car les entreprises ont aussi une part de responsabilité dans le chômage.

La nouveauté du Pare est qu'il est conçu pour remettre les chômeurs au travail...

Ça n'a rien de nouveau. Le traitement social du chômage a toujours reposé sur une philosophie de l'insertion