Chez les spécialistes de la Constitution, c'est le brouillard: la proposition de Lionel Jospin d'accorder une part de pouvoir législatif à l'Assemblée de Corse suscite plus d'interrogations que de certitudes. Pour nombre de constitutionnalistes, le dispositif ne tient pas la route.
Sur l'île, le gouvernement entend mener une expérience originale. Il suggère que l'Assemblée territoriale puisse voter, dans certains domaines, des adaptations locales aux lois françaises, susceptibles d'être ratifiées, ou non, par le Parlement, après une période d'expérimentation. Pour cela, il s'appuie sur une décision du Conseil constitutionnel de juillet 1993 concernant les établissements publics à caractères scientifique, culturel et professionnel. A cette époque, les neuf "sages" avaient décidé que le législateur pouvait "autoriser des dérogations (aux règles) pour des établissements dotés d'un statut particulier". Ce qui vaut pour un établissement public, vaut-il pour une collectivité locale?
Didier Maus, codirecteur de la Revue française de droit constitutionnel, émet "un doute sérieux" sur la conformité de la proposition gouvernementale à la Constitution. Selon son article 34, "la loi est votée par le Parlement". Et l'article 72 prévoit que les collectivités territoriales "s'administrent librement". Or, "administrer ne veut pas dire légiférer", explique Didier Maus dans le Figaro d'hier. Mais il tient à faire part d'une "réaction très prudente car nous avons besoin d'avoir des précisions".
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