Pierre Bergé a accompagné la mode pendant les quarante dernières années. Fondateur d'Yves Saint Laurent, en 1961, et manager du couturier tout au long de sa carrière, il crée en1973 la Chambre syndicale du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode qu'il préside pendant vingt ans, puis fonde, en 1986, l'Institut français de la mode.
De quand date cet intérêt des financiers pour la mode ?
Le phénomène n'est pas vraiment nouveau : sa première manifestation, c'est l'association Marcel Boussac-Christian Dior en 1947. Mais, à la différence d'aujourd'hui, Boussac avait un métier, le textile. Sa maison de couture, sans être une danseuse, était un diamant accroché à son empire.
Dans les années 80, on a compris que le luxe permettait de générer beaucoup d'argent. De nouveaux capitaines d'industrie sont arrivés, qui gèrent la mode comme n'importe quel autre domaine. Ils veulent faire de l'argent tout de suite. Comme avec les chevaux de course, ils se sont composé des écuries, ont acheté Galliano, Marc Jacobs, ou des produits d'élevage italo-américains façon Tom Ford chez Gucci. En musique, en chant, en danse, on retrouve ces produits des écoles américaines, excessivement doués, ayant le marketing intégré comme une boussole. Une chose leur manque, l'âme.
Vous-même avez traité avec des investisseurs pour le développement d'Yves Saint Laurent ?
Oui, mais j'ai toujours été complètement libre. Les choses ne se montaient pas de la même manière, vous n'aviez pas affaire à un groupe qui déterminait si vous deviez ouvrir des boutiques ou pas. Je décidais seul, jamais mes actionnaires ne sont venus à un conseil d'administration,