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Libération

Libraire «Un petit maillon»

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Elle défend, à Marseille, une vision de l'élitisme pour tous.
publié le 13 octobre 2000 à 5h19

Quand elle a ouvert sa librairie dans le quartier marseillais du Panier, il y a dix ans, un enfant du coin est venu y faire ses devoirs. Un enfant de pauvres : le Panier est une colline magnifique où les poubelles rêvent à ciel ouvert entre les fils d'immigrés. On le rénove, les bourgeois s'y installent, il y a des tensions. En 1990, l'enfant ne venait pas lire des livres, mais se «cultiver». Molly Fournel vend surtout des ouvrages de sciences humaines, d'art, de poésie, de photo. Près de 6 000 titres, qui ont une vie longue en rayons, et un faible taux de retour à l'éditeur : 10 % (la moyenne nationale est de plus de 20 %).

«Désherbage». Molly choisit ses livres, les surveille, et quand personne ne veut de ceux qu'elle aime, elle leur redonne une chance en les posant sur les tables, «pour qu'ils ne s'endorment pas dans les rayons et trouvent leur acheteur». Certaines étagères sont quand même remplies de paniques : les livres dont il faut se débarrasser au moment du désherbage. Au fond, sa librairie lui ressemble. Elle est liée aux musées de Marseille qui l'entourent dans le centre de la Vieille-Charité, comme Molly est liée, depuis vingt ans, au monde culturel phocéen. Elle ne vend quasiment pas de romans, parce qu'elle n'aime pas la fiction : «Je suis une très mauvaise lectrice de romans. Je lis les trois premières pages, puis je vais à la fin pour savoir.» Elle lit plutôt de l'anthropologie, de la poésie : «Des bouts de vers me tournent dans la tête» comme