«Martine Aubry sort de ces trois années passées au gouvernement avec une expérience politique sans commune mesure avec celle qu'elle avait acquise lors de son premier passage. Elle a par exemple appris à faire chauffer la soupe parlementaire. C'est quelqu'un de très lucide : en 1995, elle disait que sa formation politique n'était pas achevée. Ce n'est plus vrai aujourd'hui. Elle est maintenant dans une situation politique mitterrandienne. En assumant complètement des choix qui n'étaient pas toujours au départ les siens, elle s'est un peu coupée des milieux économiques. Mais je pense que les cicatrices s'effaceront vite.
«Le patronat de base, les patrons de PME de 200 salariés, souvent très hostiles à la gauche, vont toujours lui reprocher les 35 heures, en oubliant ce qu'elle leur a évité, par exemple en refusant de rétablir l'autorisation administrative de licenciement. Avec Ernest-Antoine Seillière, il y a un vrai rendez-vous manqué. C'est dommage. Leurs tempéraments sont assez semblables. Peut-être auraient-ils fini par s'en rendre compte, mais le jeu de rôles les a emprisonnés.
«Je me demande si la césure avec la deuxième gauche n'est pas beaucoup plus grave que les griefs du monde économique. Il est dommage que dans son bilan on retienne surtout pour l'instant cette loi incertaine sur les 35 heures, alors que sa grande loi, c'est la couverture maladie universelle (CMU). Celle-ci est remarquable parce qu'elle repose sur un principe d'équité et non d'égalité. Elle est moder