Au-delà des péripéties récentes, le succès du gouvernement de Lionel Jospin sur le front du chômage réhabilite la politique, et singulièrement la gauche en politique : non, la justice sociale ne s'oppose pas à l'efficacité économique ; oui, le plein-emploi redevient une perspective crédible.
Or, paradoxalement, au moment même où la bataille de l'emploi semble dessiner une issue heureuse, les préceptes libéraux regagnent en intensité. Dopée par le numérique et les biotechnologies, la croissance ne serait menacée que par la reprise de l'inflation, la lourdeur des prélèvements fiscaux et sociaux, l'omniprésence d'un Etat inefficace. Traduction concrète des orientations libérales : les hausses de salaires doivent être maîtrisées (mais pas la hausse des actions), la fiscalité doit être réduite surtout pour les plus hauts revenus parce qu'elle dissuade l'activité, l'Etat doit abandonner au secteur privé des pans entiers de son activité et se mettre en conformité aux besoins de la mondialisation libérale.
Au total, la globalisation financière et les technologies de l'information se combineraient pour faire de la flexibilité du travail et de la baisse des prélèvements obligatoires la voie royale vers le progrès. Tout ce qui n'irait pas dans le sens du capitalisme anglo-saxon serait un combat d'arrière-garde.
Cette analyse n'est conforme ni à l'Histoire (ne fallait-il pas copier l'Allemagne dans les années 70, le Japon et la Suède dans les années 80 ou la Grande-Bretagne et les Pays-Bas