Ce mardi 5 décembre fut un grand jour. Pour l'histoire vraie de la France. Pour les historiens français fous de vérité. Un jour amical et solennel. Une boucle se bouclait dans un passage de témoin entre un vieil homme et une jeune femme sous le regard d'hommes et de femmes entre deux âges. Cela se passait salle 933, dans une annexe universitaire, rue de la Chaise, à Paris. La jeune femme, Raphaëlle Branche, soutenait sa thèse de doctorat, «L'armée et la torture pendant la guerre d'Algérie», devant un jury d'historiens où figurait le vieil homme, Pierre Vidal-Naquet. Le plus bouleversé des deux, c'était lui. Le jour déclinait quand il prit la parole. «Il y a quarante-trois ans, presque jour pour jour, était soutenue, in absentia, la thèse de Maurice Audin...»
Maurice Audin était assistant de mathématiques à la faculté d'Alger, et communiste. Suspecté d'aider le FLN, il est arrêté le 11 juin 1957, prétendument «évadé» le 21. On ne le reverra jamais. Pierre Vidal-Naquet est, lui, assistant, à la faculté de Caen. Il n'a pas 30 ans. Comme Audin. Comme, aujourd'hui, Raphaëlle Branche et les jeunes historiens de sa génération. C'est en lisant une lettre de lecteur dans l'Humanité sur une plage de Grimaud que Vidal-Naquet apprend le sort de son (con)frère de l'autre côté de la Méditerranée. L'inconnu qu'il est écrit une lettre au Monde, le journal s'en fait l'écho. C'est le début d'un long combat qui passera par la soutenance de thèse de Maurice Audin in absentia le 2 décembre 1957 d