Une curieuse implantation des sourcils dessine deux accents circonflexes au-dessus de son regard sombre. L'oeil fixe, tendu vers un point invisible dans le hall du Web Café, Sami Bouajila se tait; il réfléchit. Il prend le temps de choisir chacun de ses mots, s'inquiète d'être compris, troue ses interventions de silences apaisés. Il sait de toutes façons qu'il n'est pas nécessaire de se presser, que la patience paie et qu'en définitive, tout vient à temps, les mots justes comme les rôles importants. Déjà dix ans qu'il fait du cinéma et voilà qu'à 34 ans, il rencontre coup sur coup deux personnages vraiment marquants dans deux films français extrêmement réussis: l'an dernier, dans Drôle de Félix, celui du jeune beur séropo bien décidé à ne pas se laisser abattre, et, ce mois-ci, dans La Faute à Voltaire, celui de Jallel, un immigré tunisien sans papiers vagabondant dans Paris.
D'un film à l'autre, on retrouve une même façon optimiste de traiter des problèmes contemporains (séropositivité, crimes racistes ou clandestinité) et un ton aux confins de la comédie, dans un contexte qui pourtant ne prête guère à rire. Comme si, lorsqu'un cinéaste voulait décrire un personnage en difficulté en refusant absolument d'en faire une victime, Sami Bouajila, avec sa légèreté gracieuse, son charme assuré, sa détermination calme, s'imposait tout naturellement. «Le piège, c'est toujours de réduire le personnage à ce qui le définit sur le papier, le sida pour Félix, l'exclusion pour Jallel dans L