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Libération
Enquête

Le roi des forains à bout de manèges

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Grand angle société : La roue tournerait-elle pour Marcel Campion ? Pour celui qui avait transformé illégalement en 1985 le jardin des Tuileries en fête foraine et qui refuse de démonter sa grande roue à la Concorde, la chute annoncée de Tiberi sonne la fin d'une époque. Celle d'un règne sans partage.
publié le 13 février 2001 à 22h52

Il a ses manèges et ses territoires. Des places fortes prises à la hussarde et défendues par tous les moyens pour y faire virevolter ses autos tamponneuses, enfumer ses baraques à frites et tournicoter ses grandes roues. «Il ne lâche jamais», dit un ennemi. «C'est un emmerdeur», dit un ami.

«C'est un preneur d'otages qui marche au coup de force, met tout le monde devant le fait accompli et se fait passer pour une victime, avec le soutien du grand public, soi-disant "amateur de manèges qui rappellent l'enfance"», dit plus crûment un responsable du patrimoine, au ministère de la Culture. Du jardin des Tuileries en 1985 à la grande roue de la Concorde cette année, il y a effectivement une méthode Campion: effraction, pétition, négociation.

Un forain, qui refuse de donner son nom et qui hésite même à avouer qu'il exploite un «grand huit», se souvient de lui, une nuit de décembre 1985, rue de Rivoli à Paris. «Il nous a donné rendez-vous devant les grilles des Tuileries, avec nos métiers (les manèges, dans le jargon forain, ndlr). A minuit. Aux gardiens qui surveillaient les grilles, il a dit qu'il avait l'autorisation du ministère de la Culture. Il avait les clés des cadenas sur lui, et tous les camions se sont engouffrés. Il faut dire qu'il avait recruté une véritable milice qui l'entourait. Il y avait une vingtaine de gros bras. Difficile de dire non.» Deux jours plus tard, le jardin historique qui longe la Seine était transformé en fête foraine. Le ministère fulmine et menace. I