Jacques Chirac ne sera pas resté longtemps perché sur son nuage bleu. Un juge s'est chargé de le ramener sur terre, les municipales n'ayant pas effacé comme par enchantement les procédures nées du temps où il était maire de Paris. La réaction outragée du Président et de sa garde rapprochée n'abuse personne: si les poursuites, en tant que telles, semblent impossibles, sinon difficiles à engager du fait du statut particulier du chef de l'Etat, rien ne devrait s'opposer à ce qu'il soit entendu comme témoin. Le Conseil constitutionnel ne l'a pas formellement exclu. Les objections élyséennes sont ici d'une grandiloquence peu convaincante: invoquer la séparation des pouvoirs et la continuité de l'Etat pour refuser la convocation, c'est se dérober à l'obligation citoyenne commune d'apporter son concours à la justice. Y aurait-il eu «forfaiture» si le juge chargé de l'enquête sur le crash du Concorde avait cru utile de solliciter le témoignage du Président qui, de retour d'un voyage officiel, assista fortuitement au drame? Certes, ce n'est pas la même chose que d'être interrogé sur les méfaits commis dans une administration municipale qui dépendait hiérarchiquement de lui, d'où le réflexe de taper sur la grosse caisse politique en suggérant que le Premier ministre tirerait les ficelles de la provocation.
Résultat: Lionel Jospin a pu se donner le bon rôle de celui qui respecte l'indépendance de la justice, l'ensemble des organisations de magistrats s'est solidarisé avec le juge Halphe