Cyril devrait être français. Il devrait avoir le statut de handicapé. Il aurait dû apprendre à lire le braille. Etre scolarisé, formé. Etre accueilli. Aimé. Claire Brisset, défenseure des enfants nommée par le gouvernement, énumère la «succession de défaillances» qui sont la trame de l'histoire de Cyril Elong, jeune Camerounais de 21 ans. Sollicitée par le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM), elle a convié la presse pour exposer «un cas exemplaire de ce contre quoi on doit lutter». Cyril se tait, assis à la grande table de réunion, en pantalon de sport et baskets. Il écoute les autres faire le récit «inacceptable», «indicible» de sa vie. Puis prend la parole à mi-voix.
Coups et piment. Il avait 4 ans. Sa mère, qui l'élève au Cameroun avec ses deux frères, décède brutalement. Son père le confie à son arrière-grand-mère, mais celle-ci, trop âgée, fait rapidement appel à un oncle et une tante installés en France. A 6 ans, Cyril débarque dans un pavillon de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne). Jusqu'à l'âge de 14 ans, il y subit une torture quotidienne. «Ils me tapaient. Me cognaient la tête contre le lavabo et le carrelage de la salle de bains. Me brûlaient avec des allumettes, des briquets. Me mettaient du piment dans les yeux et sur le sexe. Comme ça, pour se défouler, jusqu'à ce qu'ils se fatiguent.» Contraint à dormir par terre, à prendre ses repas à part, Cyril est l'homme à tout faire de la maison. Nadine, sa cousine aujourd'hui âgée de 25 ans, lui rend plus