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Libération
Interview

Paul Malibert: «Je n’ai réalisé qu’après»

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Ils racontent leur 10 mai 1981
publié le 3 mai 2001 à 0h45

1981: avocat général à la cour d’assises de Paris.

2001: conseiller honoraire à la Cour de cassation.

Le 10 mai 1981, j'étais chez mes beaux-parents. Quand j'ai vu apparaître le visage de François Mitterrand sur l'écran de télévision, je me suis dit que beaucoup de choses allaient changer. Pourtant, honnêtement, je n'ai pas tout de suite pensé à la peine de mort. J'avais, professionnellement, une relation spéciale avec cette sanction. Je m'étais trouvé en situation de la réclamer à plusieurs reprises, comme avocat général aux assises de Paris et aussi comme substitut en province, dans des affaires d'assassinats ou de vols qualifiés avec meurtre, mais je ne l'avais jamais requise. J'y ai pourtant été confronté les 8, 9 et 10 octobre 1980. La cour d'assises de Paris jugeait alors celui que l'on appelait «l'étrangleur des parkings». Il avait violé et tué deux jeunes femmes, dans des circonstances épouvantables. Or la peine capitale a été réclamée, avec beaucoup de talent et de conviction, par l'avocat des parents de l'une des victimes. Cet avocat ne m'en avait pas prévenu, et il m'a fallu affronter cette difficulté. Je me suis levé, et après avoir tenté de faire comprendre aux parents de cette victime que la condamnation à mort de l'accusé ne signifierait pas la fin de leur tourment, j'ai requis la réclusion criminelle à perpétuité, votre journal avait titré, je m'en souviens: «L'avocat général demande :"condamnez-le à une vie sans femme."». Ce fut le verdict de la cour d'assises