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Libération
Interview

Thierry Lévy«J’ai compris que la peine de mort était abolie»

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Ils racontent leur 10 mai 1981
publié le 3 mai 2001 à 0h45

1981: avocat, il avait défendu Claude Buffet et assisté à son exécution en octobre 1972.

2001: président de l’Observatoire international des prisons (OIP). A défendu Patrick Henry en avril dernier.

Ah! oui, je m’en souviens parfaitement de cette soirée du 10 mai 1981... J’étais chez des amis, nombreux. Il y avait là Georges Kiejman, notamment. Sur l’écran de télé a commencé à apparaître le visage du vainqueur. Dès l’instant où on a vu le front de Mitterrand, on a compris. Je me souviens d’avoir poussé un hurlement. Cela a surpris mon entourage, car c’était une soirée tout de même un peu compassée. J’étais très heureux; nous l’étions tous. C’était la première fois qu’un homme porté par un courant socialiste et communiste entrait à l’Elysée. C’était comme si le peuple investissait les palais de la République. Ce hurlement signifiait: enfin, on en a fini avec la redoutable loi «sécurité liberté» de Peyrefitte et avec la peine de mort. Quand j’ai vu se dessiner le haut du visage de Mitterrand ­ qui n’avait vraiment rien à voir avec celui de Giscard d’Estaing ­, j’ai compris que la peine de mort était abolie, que les gens déjà condamnés allaient échapper à la guillotine. C’était une sensation physique. La vie quotidienne dans une société qui pouvait tuer des gens condamnés par la justice, c’était quelque chose d’intenable. J’avais le sentiment d’appartenir à un monde barbare. Ce soir-là, je ne pensais pas seulement aux condamnés que j’avais pu connaître ou aux personn