Le temps vient de lui être donné d'aller au bout d'une bonne idée. Roland Dumas avait un jour suggéré: «Il faudrait écrire un traité sur l'influence de la vie privée des hommes d'Etat sur leur comportement public.» Il est bien placé pour le faire. Lui que son ami Picasso appelait Alexandre, pour son talent à faire de sa vie un monde digne de son homonyme: empli de femmes, d'argent, de secrets, d'intrigues de palais. Lui dont on ne sépare plus les amours et les abus de pouvoir.
Longtemps, le Tout-Paris politique et médiatique lui a trouvé du charme. Ses ambiguïtés n'étaient pas pour déplaire, elles ne laissaient pas de traces, juste l'effluve du mystère sur le passage de cet homme aux manières courtoises, aux amis puissants ou prestigieux, qui a rejoint le Grand Orient de France, et aligne de nobles débuts biographiques.
Agé de 78 ans, Roland Dumas est le fils d'un notable socialiste de Clermont-Ferrand, qui le met sur ses épaules pour acclamer Léon Blum lorsqu'il passe en ville, et meurt en résistant, le corps criblé des balles de la Gestapo. Roland Dumas finit la guerre caché à Paris, protégé par les amitiés paternelles. Son héros de père, son attache provinciale, ses relations, son penchant socialiste, ses faits de résistance qui tiennent davantage de la distribution de tracts que du maniement des armes... font de lui un homme sur mesure pour le casting de l'après-guerre. Et quand ce personnage pressé tombe sur un autre lièvre, ils s'élancent. C'est en 1956 que Roland Dumas