La France et la presse française semblent découvrir aujourd'hui la torture et les sévices pra tiqués pendant la guerre d'Algé rie. Que savait-on à l'époque?
Il faut se rappeler le contexte: en 1954, les principaux responsables politiques sont tous d'accord sur le fait que l'Algérie est française et doit le rester. La question de l'indépendance n'interviendra que plus tard. Depuis 1951, les seuls à dénoncer la torture, pratiquée d'abord par la police des Renseignements généraux à la villa Mahieddine, avant de l'être par l'armée, sont des groupes trotskistes et anarchistes, radicalement anticolonialistes, très liés aux nationalistes algériens, en complicité totale avec eux. Ce sont, en fait, les premiers «porteurs de valises». Ils évoquent les exactions et les arrestations arbitraires dans leurs journaux la Vérité, le Libertaire , dont la diffusion est relativement confidentielle.
La presse de diffusion plus importante n'en parlait donc pas?
En 1951, Claude Bourdet l'évoque dans France Observateur. Mais le premier acte déterminant, c'est la dénonciation d'actes de torture par François Mauriac, dans l'Express, en janvier 1955. Elle émane d'un écrivain catholique, qui ne peut guère être suspecté d'anticolonialisme virulent. C'est une interpellation très forte d'une intelligentsia française toujours majoritairement favorable à l'Algérie française, que l'on peut comparer au coup de tonnerre qu'avait provoqué Gide lors de son retour d'URSS. Puis Hubert Beuve-Méry s'émeut des pratiq