Quarante-cinq ans après les premiers témoignages sur la torture, la guerre d¹Algérie a resurgi dans les mémoires. Pendant une semaine, «Libération» revisite cette histoire inconnue des plus jeunes. Demain, deuxième volet avec l¹affaire Audin.
Ce 15 janvier 1955, la une de l'Express est solen nelle: «Mauriac accuse». Depuis neuf mois déjà, l'écrivain catholique prête sa plume au jeune journal de Jean-Jacques Servan-Schreiber, fondé pour accompagner le parcours atypique d'un homme de la IVe République: Pierre Mendès France, dit PMF. Ce samedi-là, François Mauriac utilise son «bloc-notes» hebdomadaire pour dénoncer l'usage de la torture en Algérie. Il y relate un dialogue avec l'un de ses amis: «Ils n'ont pas renoncé aux coups de nerf de boeuf, vous savez! confie R., prêtre de la région de Constantine, à l'écrivain. Mais la baignoire, ou plutôt le baquet d'eau sale où la tête est maintenue jusqu'à l'étouffement, mais le courant électrique sous les aisselles et entre les jambes, mais l'eau souillée introduite par un tuyau dans la bouche jusqu'à ce que le patient s'évanouisse...» L'ami de Mauriac donne des noms de victimes et de témoins. «Je suis comme un homme qui a pris part, sans le vouloir, à un crime et qui hésite à aller se livrer», conclut Mauriac. Qui choisit de se «livrer». «Il était l'homme le plus libre que j'aie jamais connu», témoigne aujourd'hui Françoise Giroud, cofondatrice de l'Express avec JJSS.
Ce 15 janvier 1955, Pierre Mendès France est encore, pour quelques jo