Quarante-cinq ans après les premiers témoignages sur la torture, la guerre d'Algérie a resurgi dans les mémoires. Pendant une semaine, «Libération» revisite cette histoire inconnue des plus jeunes. Demain, troisième volet avec l'affaire Bollardière.
>Nuit du 11 au 12 juin 1957. Centre de triage d'El-Biar, avenue Georges-Clemenceau, Alger. «Il était environ 1 heure du matin [...] Audin était en slip, allongé sur une planche [...] des pinces reliées par des fils électriques à la magnéto étaient fixées à l'oreille droite et au pied gauche [....] J'ai, pendant longtemps, entendu les cris de Maurice Audin, cris qui me paraissaient étouffés par un bâillon.» Nuit du 12 au 13 juin, même lieu. «"Allez Audin, dites-lui ce qui l'attend. Evitez-lui les horreurs d'hier soir." C'était Charbonnier qui parlait. [...] Au-dessus de moi, je vis le visage blême et hagard de mon ami Audin qui me contemplait tandis que j'oscillais sur les genoux.» «"Allez, parlez-lui", dit Charbonnier. "C'est dur, Henri", me dit Audin. Et on le remmena.»
«Charbonnier», c'est André Charbonnier, lieutenant au 1er régiment des chasseurs parachutistes. Devenu colonel et commandeur de la Légion d'honneur, il est mort en 1995 dans son lit. «Henri», c'est Henri Alleg, journaliste, directeur d'Alger républicain de 1950 à 1955, militant communiste (1). Il a fait le récit des tortures qu'il a subies dans son livre la Question, paru en 1958 aux Editions de Minuit. Et «Audin»?
Maurice Audin était un jeune homme au visage d'en