Il sort du bloc. Il a le pas traînant, le cheveu en bataille, besoin d'un Coca et de quelques minutes. Entre ses mains aux ongles coupés ras, il y avait peut-être un visage profondément brûlé, un sein amputé, ou encore un nez trop gros. Le professeur Maurice Mimoun sait reconnaître la douleur. Il n'en est pas de futile. «J'aime à dire que je dirige un service qui s'occupe de personnes qui souffrent de l'image de leur corps.» Le service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique de l'hôpital Rothschild à Paris, comme son nom ne l'indique pas, relève de l'Assistance publique.
Il flotte dans son bureau quelque chose de l'air du temps. Dehors, tout ce qui pend, tout ce qui se ride a mauvaise presse; dehors, le mal est forcément moche et vice versa. Dehors, la femme idéale est une gamine de 15 ans retouchée par ordinateur, les corps naguère irréels de la BD présentent la dernière collection de maillots de bain, et les actrices, de mèche avec les magazines et l'informatique, ont visiblement trouvé l'élixir de jouvence. Dehors, la perfection a réquisitionné tous les espaces publicitaires, faisant de la rue une galerie de glaces déformantes et dévalorisantes. Ferait-il le jeu de la dictature, le professeur Mimoun? Il a gentiment dit non à la jeune fille de 17 ans venue une semaine plus tôt avec une photo de Brigitte Bardot, pour se faire gonfler les lèvres. «Je ne la juge pas mais je n'accède pas à sa demande. C'est une victime de la barbisation du physique.» Non, encore,