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Libération
Interview

«Il eût mieux valu ne rien faire»

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publié le 14 juin 2001 à 1h14

Thomas Piketty est directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et auteur d'un rapport sur les inégalités publié aujourd'hui par le Conseil d'analyse économique (lire ci-dessus).

Vous expliquez que la mise en place de l'impôt sur le revenu a contribué à limiter les inégalités dans la deuxième moitié du siècle. De ce point de vue, la baisse des taux supérieurs de l'IR programmés par le gouvernement se justifie-t-elle ?

A force d'avoir le nez dans le guidon, on oublie à quel point les taux supérieurs de l'impôt sur le revenu sont aujourd'hui faibles. Des années 1940 aux années 1960, ils étaient de 91 % aux Etats-Unis et de 60 à 70 % en France. Cela n'a pas, que je sache, tué les Trente Glorieuses. Des taux d'imposition élevés ne sont un problème économique qu'en cas d'absence de coordination politique. En France, l'actuel taux marginal supérieur de 54 % est l'un des plus faibles pratiqués depuis les années 20. Le gouvernement Jospin a choisi de le ramener en trois ans de 54 % à 52,5 %. Cette baisse peut sembler insignifiante, et l'est d'ailleurs sur le plan financier. En revanche, il faut s'interroger sur l'orientation politique d'une telle décision : c'est la première fois qu'un gouvernement socialiste prend une initiative de ce type, et personne ne sait jusqu'où cela nous mènera.

Les Etats-Unis s'engagent pourtant dans cette voie. Si elle veut résister à la concurrence fiscale internationale, la France n'est-elle pas obligée de suivre ?

La France d