Bernard Demoy sort une valise en bois. «Ne la pose pas sur le canapé!, je viens de l'encaustiquer...», proteste sa femme. Cette valise, il s'y est accroché comme à un radeau, il avait 20 ans et une vague idée des lendemains. Incorporé direct le 4 juillet 1958, Bernard Demoy a quitté son village de Normandie et débarqué trois jours plus tard à Alger. «Pour ne pas inquiéter mémé, on lui a dit que j'allais faire mon service au Mans. Elle m'a dit: "Prends la valise de tonton Robert, si t'as pas de place dans le train, tu pourras t'asseoir dessus" et y a rangé des pantoufles et un gilet gris.» Mais, là où il allait, c'était «pas l'air frais de Granville».
Vingt-huit mois dans le Sahara à assurer le ravitaillement des camps et la protection des convois. «Fleur bleue», comme l'appelaient les copains, parce qu'il lisait de la poésie, aurait pu se faire réformer avec son dos tordu comme un S. «Mais on voulait être soldat, c'était un point d'honneur. Un réformé ne trouvait pas de cavalière dans les bals.» Il a mangé plus de sable que de rations, vécu une dizaine d'accrochages, connu «l'angoisse mais pas la peur», parce qu'à «20 ans on est inconscient». Et, pour finir, il est rentré «sur un beau bateau sanitaire». Arrivé en fond de cale, il est reparti «en cabine, avec un interne accompagnateur». Vexé et mal à l'aise «de tout ce déploiement pour [lui]», à deux doigts d'y rester d'une primo-infection.
Les gens du village ont dit: «Il a mûri.» Et puis, c'est tout. Pour eux: «On rentrait d'