Lionel Jospin était déjà trotskiste mais pas encore au PS, François Mitterrand non plus. Le vendredi 11 juin 1971, 800 délégués socialistes et 97 issus de la Convention des Institutions Républicaines (CIR) sont accueillis dans un gymnase de la banlieue parisienne par un calicot ovale qui proclame sur fond rouge: «Congrès de l'unité des socialistes».Trois jours de bataille plus tard, François Mitterrand a arraché au tandem formé par Alain Savary et Guy Mollet les rênes d'un PS rassemblé et rénové auquel il a adhéré pendant le week-end en y fusionnant sa CIR. Surtout, le PS est désormais engagé sur la voie de l'union de la gauche qui aboutit, un an plus tard, à la conclusion d'un programme commun de gouvernement avec le PCF.
Trente ans après, le congrès d'Epinay a rejoint au Panthéon de la mythologie socialiste celui de la création de la SFIO sous la houlette de Jean Jaurès, en 1905, ou les temps héroïques du Front Populaire de Léon Blum en 1936. Elevé au rang d'icône par des dirigeants socialistes en mal d'unité interne ou de rassemblement de la gauche, vanté comme un exemple par une partie de l'opposition qui rêve d'un «Epinay de la droite», ce congrès, loin du mythe qu'il est devenu, fut pourtant celui de toutes les ambiguïtés. Pour déboulonner, de justesse, Alain Savary, François Mitterrand fit preuve de maestria tactique en s'appuyant à la fois sur le «droitier» duo Gaston Defferre-Pierre Mauroy, très anti-communiste, et sur la juvénile cohorte «gauchiste» du Ceres de Jean