Lundi, 16 heures. A l'une des entrées de l'usine d'engrais Grande Paroisse, au Grand-Quevilly (près de Rouen), deux camions de pompiers et une voiture de police: un ouvrier vient de se blesser dans un magasin de stockage. Cette usine, soeur jumelle de l'AZF de Toulouse, est aussi la propriété du groupe Total. Un bloc d'engrais a chuté, l'homme aura cinq points de suture. Juste à côté, au local du comité d'établissement, Jean-Pierre Levaray, du syndicat CGT, commente: «Depuis l'accident de Toulouse, le moindre incident prend des proportions énor mes.» Depuis, «les collègues sont en état de choc. C'est comme si nous avions subi le souffle de l'explosion». Côté direction, depuis cette même catastrophe, c'est le silence radio, et les syndicalistes manient la langue de bois: la CGT, majoritaire, oscille entre les critiques d'«une politique de sécurité qui existe mais dont on dénonce les insuffisances depuis des années» (lire aussi page 2) et le souci de protéger l'emploi, dans une usine qui aujourd'hui fait travailler 650 salariés contre 2 000 il y a vingt ans.
Pertes d'emplois. A cinq kilomètres de Rouen, sur la zone industrielle Grand-Quevilly, l'usine AZF-Grande Paroisse, l'une des vingt-six «classées Seveso», de l'agglomération de Rouen, utilise pour les engrais les mêmes produits qu'à Toulouse: ammoniac, nitrate et acide nitrique. Depuis 1932, les bâtiments en brique construits par Saint-Gobain se sont étendus sur quelque 70 hectares. A moins d'un kilomètre,