Menu
Libération
Portrait

Deuil blanc

Article réservé aux abonnés
Josette Audin, 69 ans. Son mari a été torturé à mort en 1957 par l'armée à Alger. A porté plainte après les révélations d'Aussaresses.
publié le 27 novembre 2001 à 1h44

A 69 ans, Josette Audin vit au cinquième étage d'un immeuble de Bagnolet. Entourée des photos de ses trois enfants et de ses multiples petits-enfants, elle serait une vieille dame comme tant d'autres s'il n'y avait aussi la photo, en noir et blanc, d'un jeune homme d'une vingtaine d'années, les cheveux sombres relevés sur un visage serein. Maurice Audin avait 25 ans, mathématicien, assistant à l'université des sciences d'Alger, militant communiste, arrêté le 11 juin 1957 vers 23 heures à son domicile par l'armée française, conduit au centre de triage d'El-Biar, torturé dans la nuit, puis toutes les nuits suivantes. Il en est mort dix jours plus tard.

Le 21 juin, Audin est déclaré «disparu» par les autorités militaires, après que son assassinat a été maquillé en évasion par les parachutistes. Personne n'a jamais retrouvé son corps. Depuis, Josette vit pour son mari, rencontré à 20 ans à la fac d'Alger, père de ses trois enfants, dont le dernier est né un mois avant l'arrestation. Dès le 4 juillet 1957, elle porte plainte pour homicide volontaire. On lui fait comprendre qu'elle ferait mieux de se consacrer à ses tâches enseignantes. Elle écrit lettre sur lettre au Monde et trouve quelques relais à Paris. En novembre se fonde le Comité Audin. Le 2 décembre 1957, la Sorbonne accueille la soutenance de thèse de Maurice Audin, «qui ne se présente pas», mais se voit chaleureusement félicité par le président du jury, Laurent Schwartz, l'un des plus prestigieux mathématiciens français