«Je ne pouvais pas laisser la France se vider de son sang monétaire. Un socialiste qui serait arrivé à faire s'effondrer la monnaie, l'ouvrier le plus pauvre ne le lui aurait pas pardonné.» C'était le 6 janvier 1995, dans la salle des fêtes de l'Elysée. Présentant ses derniers voeux à la presse, François Mitterrand s'était lancé dans une longue improvisation sur son double septennat, avec cet épisode butoir, cet échec qui continuait de la hanter: le tournant de la rigueur de 1983. Ultime méditation monétaire pour un homme dont le destin a été, finalement, de raccommoder un pays et en particulier une classe politique fâché avec sa monnaie depuis soixante ans. De réconcilier la France avec le franc.
Si le psychodrame monétaire n'est pas une exception française, sa permanence au cours du siècle en est une. En 1914, le franc germinal était encore le symbole de la France des rentiers. En 1928, lorsqu'il est remplacé par le franc Poincaré, il a perdu 80 % de sa valeur... Entre-temps, le «mur de l'argent» a inscrit son premier gouvernement à son tableau de chasse: Edouard Herriot, président du Conseil à partir de 1924, chef de file du Cartel des gauches et inventeur de ladite expression. Dans une tentative désespérée de sauver sa peau, le gouvernement Herriot, le 19 juillet 1926, avait interdit à la radio de donner le cours des monnaies et de la Bourse. Quelques jours plus tard, Herriot cédait son fauteuil à Poincaré.
Fétiche. Au rythme de la valse des gouvernements, le franc dev