C'est une rue travailleuse et bruyante, animée par la ronde des livraisons et des enlèvements de véhicules mal garés. Une enfilade d'immeubles de plâtre et de façades haussmanniennes, rythmée par les enseignes criardes de grossistes. Une voie de passage, qui amène en sens unique un flot continu et enfumé de voitures depuis la Porte de la Chapelle, au nord de la capitale. Autant le dire: l'axe faubourg Saint-Martin-rue Saint-Martin ressemble à tout sauf aux Champs-Elysées. Mais Jacques Chirac et Lionel Jospin y ont installé leurs QG de campagne. Et, pour l'un des deux, cette chaussée sonore et polluée sera le chemin de l'Elysée.
Locations. Troublante coïncidence qui voit les deux principaux protagonistes de la présidentielle jeter l'amarre à cinq cents mètres l'un de l'autre. Mi-janvier, le PS a loué, au 235 rue Saint-Martin, dans le IIIe arrondissement, un bel immeuble, construit il y a une centaine d'années par une société philanthropique, l'Avenir du prolétariat, pour offrir un lieu de détente et de réunion aux ouvriers, et qui vient d'être racheté par le couturier Jean-Paul Gaultier. Quinze jours plus tard, le RPR a signé un bail précaire au 67 rue du Faubourg-Saint-Martin, dans le Xe, pour occuper jusqu'à la mi-mai le Tapis rouge, le plus ancien des grands magasins de Paris, fondé en 1784 et transformé, après guerre, en salons de réception et de mariage.
Rien n'appelait à cette cohue soudaine. La rue Saint-Martin n'a été le décor d'aucun grand épisode de l'histoire parisie