Avec Maurice, ça ne s'arrête jamais: la vie, l'histoire, le combat, l'histoire de toute une vie de combats qui se croisent et se prolongent. Afin de fixer avec lui encore un autre rendez-vous, appelons-le. Au téléphone, il dit: «Je ferai la cuisine. Surveille le panneau Cachan-centre après le carrefour de la Vache-Noire.» Puis: «C'est là qu'il y avait le vélodrome Buffalo, appelé comme ça après la tournée de Buffalo Bill. Tristan Bernard l'avait dirigé...» Maurice Rajsfus est un homme précis, précieux et occupé; aujourd'hui, après une trentaine de livres, il en accompagne trois autres pour rappeler que, outre Victor Hugo, ce pays devrait commémorer cette année le soixantième anniversaire de la rafle du Vel' d'hiv' un autre vélodrome; pour se souvenir qu'en ce «Jeudi noir», la police française regroupa treize mille juifs à Paris, les concentra à Drancy et prépara leur déportation à Auschwitz; et surtout, pour ne pas oublier que pas un seul Allemand ne participa à l'opération. Lui n'a jamais cessé d'y penser, ni que ses parents n'en revinrent pas.
Ce jour-là, Rajsfus a 14 ans. Ses parents sont des Juifs polonais arrivés au début des années 20. A Aubervilliers, c'est Pierre Laval, le maire alors encore avocat pacifiste, qui les mariera. A Vincennes, c'est un flic un temps voisin de palier qui les raflera. Cet assassin-là traverse comme un cauchemar familier beaucoup de livres et autant de luttes. Il s'appelait Marcel Mulot («oui, Mulot, comme un rat...»). Lorsque, en 1988, Raj