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Libération
Interview

Pourquoi une campagne de «merde»?

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Le linguiste Louis-Jean Calvet analyse le nouveau langage «fleuri» des politiques.
publié le 5 mars 2002 à 22h29
(mis à jour le 5 mars 2002 à 22h29)

La campagne, pour l'heure, a laissé peu de place aux poètes. Alain Juppé a attaqué, en accusant les socialistes de «remuer la merde» des affaires. Dominique Voynet a exhorté les Verts à faire la campagne de Mamère d'un tonitruant: «Alors, on se met au boulot, oui ou merde?» Le candidat communiste, Robert Hue, aspire au statut d'«emmerdeur» de la campagne présidentielle. Et le RPR Patrick Devedjian trouve «chiant» le livre de Lionel Jospin. Professeur de linguistique à l'université de Provence (Aix-en-Provence), Louis-Jean Calvet se penche sur les effluves de ce début de campagne.

Le vocabulaire scatologique employé par certains politiques, ça nous annonce une campagne de m...?

D'abord, il faut souligner que le mot «merde» est très affaibli sémantiquement. L'emploi de termes comme «étron» ou «selle» aurait été beaucoup plus fort. Souvenez-vous par exemple de la «chienlit» de De Gaulle... Pour autant, il y a une nette différence entre les expressions de Voynet, Hue et Juppé. Voynet et Hue veulent faire populaires, apparaître proches des gens. Juppé, lui, a parlé sous le coup de la colère ou de la peur. Il ne s'est pas rendu compte qu'en évoquant la «merde», il accréditait l'idée qu'il y avait de la merde à fouiller. Or, en psychanalyse, pour les lacaniens, «merde» et «argent» sont des équivalents pulsionnels. Accuser les socialistes de «remuer la merde», c'était donc redouter qu'ils ne fouillent dans des histoires d'argent. La dérive populiste de Voynet et Hue e