Lyon envoyée spéciale
C'est l'heure où, devant les salles d'audience, on attend les décisions. Aurélien, 19 ans, se ronge les ongles. C'est son premier délit. Un petit vol : «La justice, c'est la loterie, si t'as du pognon, t'as le meilleur avocat, sinon, ils t'enculent !» Gérard, qui a conduit ivre, le sermonne : «Gamin ! Ils t'ont proposé un travail d'intérêt général et t'as dit non, maintenant tu vas prendre un mois de prison.» Stéphane, un ami d'Aurélien, hausse les épaules : «Il savait pas, personne lui a expliqué.» Gérard se prend la tête : «Putain, 1 200 euros d'amende ? Comment je vais faire ? Je suis agent de sécurité à 7 000 francs (1 067 euros, ndlr) par mois et j'ai en plus la pension alimentaire.» A la barre, tout à l'heure, il baissait la tête, maintenant il enrage : «Procureur de mes couilles ! Il avait pas baisé ce matin ou quoi ?» Alors voter ? Gérard crache par terre : «J'ai fait dix-sept ans d'armée, "Tempête du désert", la Somalie ! Tu crois que Chirac ou Jospin en ont quelque chose à foutre?»
Petite cité. Stéphane et Aurélien sont «apprentis à 3 000 francs par mois» et n'iront pas voter non plus : «On n'est pas intéressés. Ça changera jamais, de toute façon.» Stéphane y a réfléchi un peu : «Ils promettent monts et merveilles, mais ils font quoi ? Ils disent qu'ils font de la prévention dans les cités, mais c'est la répression d'abord. Il fallait s'occuper de nous avant, quand on était mineurs.» Ils habitent une petite cité, à côté de Lyon. Entre copains, i