Il y a désormais des chiffres, des livres et des mots, là où hier ne régnait que le silence pour masquer l'ignominie : oui, en France, pendant trop longtemps, des enfants furent l'objet de «convoitise sexuelle», et cela faisait partie des choses dont on ne parlait pas. Tout a changé. Au succès d'une récente campagne télé de prévention «antipédophile» s'ajoute une série ininterrompue d'affaires (Outreau, Angers...) et un traitement médiatique qui permettent d'établir ce constat : aujourd'hui, la parole s'est libérée.
Prendre la mesure de ces agressions sur mineurs, appartenant par nature à une «criminalité de l'ombre», n'est pourtant pas chose aisée. Selon l'Observatoire national de l'enfance en danger, «5 500 signalements d'abus sexuels sur mineurs» ont été relevés en 2000. Plus larges, les données du ministère de l'Intérieur font état, pour 1999, de «13 000 agressions sexuelles sur mineurs dont un tiers de viols». Selon les statistiques du ministère de la Justice, enfin, quasiment la moitié des affaires criminelles jugées en cour d'assises sont des viols, et le quart concerne des viols sur mineurs (en 1997). Le nombre de condamnations pour viols sur mineurs a octuplé (+ 706 %) entre 1984 et 1997.
Electrochoc. Est-ce pour autant la preuve d'une explosion de la criminalité sexuelle ? Pas si simple. Il y a d'autres explications, et avant tout la levée de l'omerta, grâce à l'électrochoc de l'affaire Dutroux (1). Puis la législation, avec la loi de juin 1998 renfo