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Libération

«Résiste au racolage des maquilleurs»

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publié le 3 avril 2002 à 22h55

Cher Président,

Je vote pour toi dans le flou. Je vote pour le geste, par respect pour le geste, par souci d'entretien de ce geste : l'articulation de ma voix. Toi, je ne sais pas qui tu es, tu n'arrives pas à te faire entendre. Je t'entends pourtant presque chaque jour, j'essaie même d'être à ton écoute : peine perdue, il y a une drôle de friture muette qui anéantit tous tes efforts. Résultat, je ne capte rien. Ces intonations artificielles censées exalter tes idées, elles me rendent distraites malgré moi, ces mots choisis à la loupe pour la portée qu'ils pourront avoir, on dirait qu'ils se vengent en se vidant de leur sens. Comme on dit d'un disque aux arrangements surveillés, tu es «produit», cher Président, trop produit peut-être, et je perds l'homme sous la pochette.

Toi en revanche, tu m'étonnes, tu dis avec ferveur que tu m'entends, que tu me comprends, que tu sais ce que j'attends. Le parasitage n'aurait-il lieu que dans un sens ? C'est vrai que j'essaie de résister à l'emballage, à l'habillage sonore, j'essaie de rester naturelle, libre. J'essaie de savoir ce que je pense et d'agir en conséquence. J'essaie de limiter la distance entre ce que je suis et ce que je montre. J'ignore quelle est ta marge de manoeuvre en politique aujourd'hui, et parce que j'ai quand même l'espoir que tu sois acquis à l'essentiel : la cause d'une humanité plus respectable et plus équitable. Alors je voudrais te demander d'agir sur toi.

Cher Président, résiste au racolage des maquilleurs, mont