Sarcelles envoyée spéciale
Sarcelles dans le Val-d'Oise. Le spectacle est dehors, place de Flandres. Une scène à la Fellini, une tête blanche dépasse d'un groupe sombre hérissé de perches et d'objectifs. La masse se déplace, comme un tas de feuilles poussées par la bourrasque de la porte Aquitaine à la porte Méditerranée, tout autour d'une haute statue moderne en acier. Quelques cris s'en échappent, «Jospin président» et les jurons des photographes.
«T'as jamais vu passer autant de clients.» Au Majestic, restaurant-bar-glacier, rien ne bouge. La radio laisse couler une ballade triste de Francis Cabrel. Nicole fait sa caisse, compte à voix haute en égrenant ses euros. Le patron astique un briquet Zippo. Le garçon aligne les bières qu'un couple commande d'un simple geste. Elle a sous l'oeil droit une large trace mauve et boursouflée et devant elle plusieurs verres vides. Il porte un bonnet de laine et une moustache comme les travailleurs immigrés des années soixante. Ils chuchotent, indifférents à tout le reste. Une dizaine de clients, dos au bar, regardent le spectacle à travers la vitrine, comme un écran géant où s'anime le groupe sombre. «Un quatre-vingt-seize et quatorze, trois vingt», marmonne Nicole, penchée sur son tiroir. Personne ne parle, sauf trois ouvriers couverts de vieux anoraks, qui chuchotent dans une langue de l'Est.
Un homme part du bar vers la machine à jeux électroniques. Le groupe se rapproche de la vitrine, la tête blanche s'en détache, se dirige vers l'ent