Menu
Libération
Interview

Le sociologue Stéphane Beaud a suivi une quinzaine d'enfants d'immigrés:«La mobilité sociale ne se fait pas en une génération»

Article réservé aux abonnés
publié le 16 avril 2002 à 23h02

Pendant dix ans, le sociologue Stéphane Beaud a enquêté sur les «enfants de la démocratisation scolaire». Il en a suivi une quinzaine, filles et fils d'immigrés algériens, marocains ou turcs, représentatifs de la majorité des jeunes d'un quartier HLM proche de Sochaux (Doubs). Ni voyous ni génies, ils ont été les cobayes de la politique des «80 % au bac». Le livre qu'il en a tiré ­ 80 % au bac... et après ? (1) ­ donne chair à un mécanisme déjà décrit à un niveau macro, celui de la «démocratisation ségrégative» (lire ci-dessus).

Pourquoi les enfants d'immigrés ont payé plus cher que les autres la politique d'allongement des études ?

Paradoxalement, parce que leurs familles ont plus fait confiance à l'école que les familles françaises. Elles ont découragé leurs enfants d'aller en lycée professionnel, malgré la création en 1985 des «bacs pros», pour fuir l'usine. Et les ont encouragés, après le bac, à poursuivre des études à l'université. Or, dès leur arrivée à l'université, les plus fragiles scolairement comprennent bien qu'ils ne sont pas de «ce monde». Et on ne les aide pas à y entrer. La construction de petites universités de proximité n'a rien arrangé. Les jeunes de cité ne sont pas obligés de quitter leur quartier, il n'y a pas de vie étudiante, et le système d'aide est pervers.

Pourquoi ?

Aujourd'hui, les bourses sont maintenues même en cas d'échec. Si bien qu'il y a pour ces jeunes un intérêt matériel fort à rester étudiants. On n'est pas dans un système méritocratique qui