Quelques minutes pour convaincre, gommer les bourdes, asseoir sa différence. La campagne officielle déclinée par les seize candidats à l'Elysée a des allures de session de rattrapage pour les outsiders et d'exercice obligé pour les favoris. Les premiers, qui ont peu à perdre, osent tout : les effets spéciaux à l'américaine, l'envolée poétique, le chant révolutionnaire, jusqu'au sketch fictif. Plus jaloux de leur crédibilité, les seconds privilégient des techniques éprouvées, film de meeting, témoignage de soutiens, jeu de questions-réponses. Tous doivent respecter le cahier des charges défini par le CSA, le gendarme de l'audiovisuel. Ce qui n'empêche pas les différences de style.
Les cancres de la communication
Il y a ceux pour qui la parole se suffit à elle-même. Christine Boutin, par exemple. Débit lent, ton monocorde, paumes tournées vers le plafond, la croisée anti-Pacs drague à l'évidence les brebis villiéristes. Seul un fond d'écran psychédélique, fait de lignes de fuite interrompues par un parallélépipède central, vient distraire l'attention d'un prêche pétri de «valeurs fondamentale», de «conviction», de «sens de la vie» et de «familles». Ce dénuement, Arlette Laguiller le pratique de longue date. Malgré ses 8 à 10 % dans les sondages, elle raffole toujours du plan fixe, pas même zoomé, du fond d'écran uniforme (bleu électrique réglementaire) et de formules sempiternelles, entre «travailleuses, travailleurs» et «hargne de la bourgeoisie envers les classes populaires».