Caen (Calvados) envoyée spéciale

Qui vote ici ? Pas grand monde. Certains, parmi les détenus du centre de détention de Caen, ont pu s'organiser pour donner procuration. La plupart, non. Et beaucoup ignoraient même qu'ils n'étaient pas déchus de leurs droits de citoyen. N'empêche. La campagne, ils la suivent, y réfléchissent. Vu les années qu'ils vont passer incarcérés : «On a tout le temps. On est là en permanence», annonce Patrick. Ils sont une dizaine dans l'atelier vidéo qui fait office de salle de réunion. On y parle librement, sans surveillant. Laurent a 26 ans : «Jospin à gauche, Chirac à droite ? Mais ils font la même politique. Il n'y a aucune conviction dans leur discours, aucune vision. On pense ce qu'on veut de Giscard ou de Mitterrand, mais ils avaient des projets. Maintenant, on les voit gouverner en fonction des sondages du matin. Si l'opinion change, ils changent d'avis. Où est la conviction ?»

Croissants. Ils entendent, ressassé à la télévision et dans la revue de presse que préparent leurs camarades, le thème de l'insécurité. Mickaël s'en étrangle : «Et on doit faire confiance à des élus qui volent dans la caisse et prennent six mois avec sursis alors que toi, tu voles des croissants et tu prends six mois ferme?» L'autre jour, Jean-Pierre regardait la télé. Il n'en est pas revenu : «J'ai vu ces patrons chialer "oh, que c'est dur la prison", après deux mois de taule !» Il parle d'une «belle hypocrisie». Les centres fermés pour les mineurs délinquants ? «C'est d