L'hydre de «l'établissement» (une francisation d'establishment) fait la fortune politique de Jean-Marie Le Pen depuis près d'un demi-siècle. Du slogan «sortez les sortants» de l'équipée poujadiste des années 50 aux «élites mondialisées» fustigées aujourd'hui, en passant par la «bande des quatre» qu'il dénonçait dans les années 80, il n'a cessé de combattre le «système». En se drapant en porte-parole des «petits», des «sans-grades», des «exclus», dressé contre la «France d'en haut».
Mais si Le Pen hurle si fort contre le sommet, c'est qu'il n'a jamais pu l'atteindre. S'il dénonce si violemment l'«établissement» honni, c'est parce qu'il n'a d'autre ambition que d'en être. On l'a cru plusieurs fois disparu : après l'éclatement du mouvement poujadiste en 1957, la déroute de Tixier-Vignancour à la présidentielle de 1965, l'échec de la récolte des 500 parrainages nécessaires à sa candidature présidentielle en 1981, ou encore la sécession mégrétiste qui a fait exploser le FN en 1999. A chaque fois, Le Pen a ressurgi plus fort. En jouant de sa face sulfureuse pour souder ses fidèles, en se situant toujours aux marges de la légalité sans jamais l'enfreindre franchement.
Obsédé par la revanche
En accédant au second tour de l'élection présidentielle, Le Pen tutoie enfin son rêve : la banalisation de ses idées comme de sa personne. Mais voilà que la jeunesse se mobilise de nouveau, que les partis, les associations, les syndicats et même les responsables religieux veulent lui «faire barrage», que Jacques Chirac