Le si beau printemps que nous vivons fait croire que, cette année, mai est tombé en avril. La floraison un peu partout de groupes de (très) jeunes gens, garçons et filles mêlées, qui affichent leur honte face à Le Pen et leur enthousiasme à lui barrer le chemin fait plaisir à voir. On sait aussi qu'on va vers un 1er mai peu ordinaire où l'on peut croire que le traditionnel défilé attirera une affluence d'importance historique. Ces événements, petits et grands, s'inscrivent dans la riche culture française de la manifestation de rue, à la fois magnifique héritage et ardent exutoire.
Le rituel du défilé est si enraciné, en effet, qu'il a survécu à l'érosion de la plupart des raisons qui lui donnaient sens, notamment un très fort investissement de l'activité politique mais aussi la prégnance des appartenances collectives. Le droit de manifester, consacré sous la rubrique de la liberté d'expression, ne peut toujours pas se séparer de l'ensemble des moyens par lesquels une opinion se rend présente, et parfois pressante, aux contemporains des marcheurs. Cette forme d'action a paradoxalement trouvé une seconde jeunesse grâce aux télévisions : elle existe au sens fort du terme pendant les quelques secondes ou minutes où elle apparaît sur les écrans. Mais il arrive très souvent, là comme ailleurs, que la forme d'expression l'emporte sur le contenu exprimé.
La théâtralité de la manifestation, cette parenthèse où l'espace public se trouve transformé en tréteaux, permet en effet de représe