Ils ont la trentaine passée, un boulot, parfois des enfants, parfois une vieille carte de militant périmée, ils vivaient plutôt déconnectés de la politique, les yeux chaque jour rivés sur un écran d'ordinateur. Et soudain, le 21 avril... le coup de massue. Leurs yeux se sont émus, mais ils n'ont pas bougé, ils n'avaient qu'un porte-voix : l'Internet. Il leur a suffi d'une nuit, voire de deux, pour créer un site, une page noire, ou bleu, blanc, rouge, et faire avec le Net des tracts anti-Le Pen distribués à grande échelle.
Laurent Mann était en vacances ce soir-là avec des copains. Ils étaient sept. Ils ont peu dormi et rêvé d'un nouvel accessoire électoral, la pince à linge. De quoi se boucher le nez tout en mettant le bulletin Chirac dans l'urne. Ils créent un site qui dépassera parfois les 700 connexions par jour. Et le clan des sept crie victoire lorsqu'au lendemain du second tour la pince à linge est en une du Financial Times.
Harcèlement pacifique. Sur lapincealinge.org, on peut lire aujourd'hui un texte intitulé : Et maintenant ? C'est toute la question, celle des lendemains d'émotions. «On s'est dit : on continue, on suit notre voix, on ne la lui laisse pas», explique Laurent Mann, 35 ans, diplômé d'économie, qui se définit aujourd'hui comme père au foyer et apprenti écrivain. «Notre voix ne confère aucune légitimité à Chirac. Il ne peut pas nous faire de chantage à la cohabitation. On appelle à voter à gauche. Il doit nous rendre la monnaie de notre voix, se souvenir q