Dix secondes pour l'une, cinq jours pour l'autre. Les deux dernières décisions d'homme public de Lionel Jospin ont connu des maturations très diverses. Le 21 avril, à peine les premières estimations connues, le candidat vaincu a mis dix secondes pour tourner la page de trente ans de carrière. Dans son bureau de l'Atelier, Bernard Kouchner est l'un des seuls à tenter de le dissuader. «Tu es sûr ?», lui glisse-t-il. Jospin l'est. Pierre Moscovici l'incite à ajouter dans sa déclaration qu'il demeure «fier du travail accompli» par son gouvernement. Puis Jospin invite Laurent Fabius à le rejoindre à sa table pour lui montrer son texte. Que se disent les deux frères ennemis du mitterrandisme ? «Cela nous appartient», élude Fabius. Dans l'allocution, pas un mot du second tour Le Pen-Chirac. Comme si le néo-retraité était le spectateur indifférent d'une joute qui ne le concerne plus. Sur les plateaux de télévision, de Hollande à Aubry, ses lieutenants ont pourtant déjà appelé la gauche à «faire barrage à l'extrême droite» le 5 mai. Jospin, lui, se tait.
Pleurs et regards dans le vide. Le lendemain matin, il vient faire ses adieux au parti qui l'avait accueilli en 1973. Rue de Solférino, tous les membres du bureau national se lèvent pour l'écouter. Certains pleurent, d'autres regardent dans le vide. «La décision que j'ai prise est la seule qui me permette d'être en accord avec moi-même, leur dit-il. Je resterai un militant du Parti socialiste.» Il ajoute : «Ce qui s'est passé hier est