Quand le Sénat se penche sur l'institution judiciaire, il est l'un de ses membres qui se distingue toujours. Ancien garde des Sceaux, Me Robert Badinter (PS) s'est taillé dans ce domaine une sorte d'autorité morale qui dépasse les clivages politiciens. Au point, parfois, l'éloquence aidant, de faire de l'ombre au ministre en exercice, surtout quand il s'agit d'un nouveau venu comme Dominique Perben qui, jusqu'à une date récente, n'avait pas manifesté d'intérêt particulier pour ces sujets.
Alors que les troupes socialistes peinent à s'opposer d'une voix forte, le sénateur Badinter s'est lancé hier à l'attaque du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice. Une heure durant, il démonte le projet, tant sur la forme que sur le fond. Il ne critique pas son contenu programmatif flamboyant (3,65 milliards d'euros de budget et 10 000 postes supplémentaires en cinq ans). Même s'il ne se prive pas de rappeler qu'en la matière les promesses ne sont pas forcément tenues. «Pierre Méhaignerie avait lancé un ambitieux programme de recrutement de magistrats en 1995. Jacques Toubon y a mis fin en 1997, en raison de difficultés budgétaires.» Et de susurrer : «J'espère que la conjoncture économique vous permettra de réaliser ces efforts importants, mais pas supérieurs à ceux consentis ces dernières années.»
Ironie. En revanche, Robert Badinter ne comprend pas qu'on soumette dans une telle urgence au Parlement un texte qui bouleverse le système judiciaire. Il n'y a guère que l