Le débat lancé par Daniel Lindenberg (1) tombe à pic pour tenter de comprendre un peu mieux le monde qui nous entoure. Mais la nécessaire mythologie du mot «réactionnaire» n'a d'intérêt que si elle prend en compte les formes par lesquelles se manifeste un phénomène : c'est pourquoi il faut penser ce mot en l'étendant au maximum car la diversité de ses sphères d'application, donc de ses emplois, en modifie le sens. A ignorer ses implications esthétiques, Lindenberg fait fausse route puisqu'il restreint son usage à la seule acception politique, ce qui le rend incapable de penser autrement qu'en termes binaires. Or non seulement ce mot excède son champ d'origine, mais il ne permet plus, tel que l'auteur l'entend, d'appréhender la complexité du monde : d'où l'aigreur de son livre, fixé au stade du manichéisme.
Politiquement, la France est à droite, le scrutin d'avril l'a prouvé en nous obligeant à choisir entre Chirac et Le Pen. L'écroulement de la gauche, dont les mythes, n'étant plus incarnés par qui que ce soit de sexy, ne font plus rêver, a d'abord des raisons symboliques : sa subversion s'est dégradée en stéréotype. Barthes l'avait finement prévu dans les années 70 : «Que se passera-t-il lorsque la doxa (2) sera à gauche ?» Nous y sommes en plein aujourd'hui. Si la gauche était si forte dans les années 50 à 70 c'est qu'elle avait un esprit et un style dont 68 fut l'acmé superbe, qui s'imposa même à ses adversaires. La vitalité d'un mouvement dépend aussi de ce contre quoi il