On a retrouvé le plus ancien des «nouveaux réactionnaires». Si l'on se réfère en effet aux critères d'admission avancés par Daniel Lindenberg (1), Pier Paolo Pasolini fut certainement le premier et le plus flamboyant d'entre eux. Il devrait logiquement y figurer en tant que précurseur du prétendu «backlash idéologique» de certains intellectuels. Le poète et cinéaste italien, mort en 1975, cumule une bonne partie des définitions esquissées dans le livre. Et certains «accusés», comme le pamphlétaire Alain Soral (2) ou le philosophe Jean-Claude Michéa, le citent parfois en exergue.
En quoi les attributs du «nouveau réactionnaire 2002» s'appliquent-ils quasi magiquement à l'auteur de Théorème ? «Il y a une sensibilité commune, un air du temps les réunit, une humeur chagrine face à la modernité» (3), dit Lindenberg. Une posture littéraire et politique à la fois «contre la culture de masse, contre les droits de l'homme, contre 68, contre le féminisme, contre l'antiracisme, contre l'islam» propose la jaquette de son livre. Pasolini n'a jamais caché sa méfiance pour les «jeunes», les militants, les féministes mondaines, la société de consommation, 1968... En tout cas, toutes les manifestations trop voyantes pour être honnêtes de la modernité, de la radicalité politique et de la défense des opprimés.
Pasolini se présentait comme «un petit-bourgeois qui dramatise tout, si bien élevé par sa mère dans l'esprit doux et timide de la morale paysanne» (4) qu'il développa une hypersensibilité