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Libération
TRIBUNE

Le présent exorcisé

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Ce sont d'abord les silences et les oublis du «Rappel à l'ordre» de Lindenberg qui permettent d'en saisir les enjeux.
par Liliane KANDEL, sociologue, membre du comité de rédaction des «Temps modernes».
publié le 27 décembre 2002 à 2h16

La soi-disant querelle des Anciens et des Modernes suscitée par le récent livret de Daniel Lindenberg, et que relance dans Libération (19 décembre) Dominique Rousseau, serait-elle seulement un rideau de fumée, un masque destiné à exorciser le présent ? Regardons-y de plus près.

De ce court libelle, chaque aspect ou presque a été critiqué, disséqué, passé au crible ­ sauf peut-être l'essentiel : ses silences, ses glissements, ses oublis. Eux seuls pourtant permettent de comprendre les enjeux réels de ce brûlot ­ et, peut-être, les passions qu'il a suscitées. Car ces «trous noirs» de la démonstration n'ont rien d'aléatoire, pas plus que la logique qui les sous-tend. En voici quelques exemples.

Tout d'abord, les attentats du 11 septembre 2001. A peine mentionnés, ils apparaissent, curieusement, dans un chapitre consacré au... «procès de l'Islam» : «Depuis le 11 septembre 2001, on voit, pour la première fois depuis longtemps, une religion mondiale mise au banc des accusés. De l'émotion légitime causée par les crimes d'Al-Qaeda, on passe à la stigmatisation globale de tout ce qui est musulman» (p. 37). Il n'y a pas dans le livre d'autre allusion au crime du World Trade Center.

Le terrorisme ? Les attentats suicides ? Daniel Lindenberg concède, en passant, la nécessite d'une «interrogation sur la capacité des démocraties à se défendre contre ceux qui sont prêts à mourir» (p. 70, je souligne l'euphémisme). Mais, c'est pour mieux, quelques pages plus loin, stigmatiser Marcel Gauchet qu