Une histoire pareille, c'est la première fois qu'on voit ça. «Ils ont appelé des dizaines de fois, complètement chamboulés. Ils voulaient tout savoir là-haut.» De l'index, un cadre de santé à Dole, sous-préfecture du Jura, montre le ciel à travers la fenêtre. Mais son «là-haut» est encore plus loin que les nuages. C'est Paris, les ministères, les directions. «Voire le président lui-même», croit-il savoir. Le 19 janvier, au service gériatrique «long séjour» de l'hôpital de Morez, madame Yvette (1), 78 ans, rendue démente par la maladie d'Alzheimer, a tué dans la nuit sa voisine de chambre, madame Oriane, 92 ans, grabataire.
Morez, 15 000 habitants, un peu plus haut les pistes de ski et, juste avant, l'hôpital. Lorsque le docteur Fournier est arrivé voilà vingt-cinq ans, «on y recevait un peu de tout. Il y avait même une petite maternité». Aujourd'hui, on traite encore les urgences, une dizaine de lits sur 99 tournent en médecine générale. «Mais comme tous les hôpitaux de campagne, Morez s'est retrouvé de fait spécialisé en gériatrie», explique Eliza beth Chevallier, à la Ddass de Lons-le-Saunier. Dans le Jura, les jeunes s'en vont. Restent les vieux, de plus en plus vieux. Près de 10 % de la population dépasse 75 ans. «Ici, onze hôpitaux sur douze ont ce type d'évolution : on dit que nous sommes une projection du pays dans dix ans.»
A Morez, parmi les trente-cinq pensionnaires du service «long séjour», six ou sept, pas plus, reçoivent régulièrement de la visite. Une femme vient