C'est une légère sensation de malaise. Une interrogation murmurée, qu'on écarte, mais qui revient. Une sorte de caillou dans la chaussure, qu'on voudrait oublier faute de pouvoir s'en débarrasser. Le 21 avril 2002, à peine l'élimination de leur candidat au premier tour officiellement connue, les dirigeants socialistes ont, comme un seul homme, appelé à voter pour Jacques Chirac, l'adversaire de toujours. Seul Lionel Jospin a fait de la résistance, patientant cinq longues journées avant de publier un bref communiqué appelant les Français à «exprimer par leur vote leur refus de l'extrême droite». Un an après, le PS continue de défendre son choix de glisser un bulletin Chirac dans les urnes le 5 mai. Une décision terrible, qui a pourtant laissé un goût amer.
Pied de nez. Officiellement, la réponse est sans ambiguïté : «Non, rien de rien, non, je ne regrette rien», dit Jean-Christophe Cambadélis, l'un des stratèges du PS, reprenant Edith Piaf. François Hollande, le patron du PS, Arnaud Montebourg, chef de file du Nouveau Parti socialiste, et Henri Emmanuelli, qui anime le Nouveau Monde : pour une fois, les courants qui se disputent actuellement les votes des militants en vue du congrès de Dijon, en mai, tombent d'accord et affirment d'une seule voix qu'il n'y avait pas d'autre issue et que, si c'était à refaire, ils le referaient. Parce que la situation l'exigeait. Parce qu'il fallait réduire au plus bas le score de Jean-Marie Le Pen et noyer celui de Chirac dans les voix de gauc