Chercheuse au Cevipof (Centre d'étude de la vie politique française), Nonna Mayer juge que le FN peut encore conquérir de nouvelles franges de l'électorat.
Le 21 avril 2002, Le Pen a-t-il fait le plein de ses voix ? Ou dispose-t-il encore d'une marge de progression ?
Une des forces de Le Pen est de progressivement diversifier son électorat. Désormais, il réalise à peu près le même score, entre 22 % et 23 %, chez les agriculteurs, les commerçants et artisans, les employés et les ouvriers. En revanche, il reste très bas chez les cadres supérieurs et les professions intermédiaires (respectivement 13% et 11 %). Un bon indicateur de son potentiel électoral consiste à inverser la question en demandant aux électeurs quels sont les partis pour lesquels ils excluent de voter. En 1984, 52 % déclaraient qu'ils ne voteraient FN en aucun cas. En 1988, après les propos de Le Pen sur les chambres à gaz, «point de détail de l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale», ils étaient 65 %. Aujourd'hui, ce chiffre atteint 72 %. A contrario, cela signifie donc que 28 % des Français n'excluent pas de lui donner un jour leur suffrage.
Certains de ces renforts potentiels l'ont-ils rejoint dès le deuxième tour de la présidentielle ?
Il y a eu un étonnant chassé-croisé. Sur 100 électeurs qui avaient voté Le Pen le 21 avril, 16 ont préféré Jacques Chirac le 5 mai et 7 ont choisi de s'abstenir. Mais leur défection est compensée par l'apport d'un tiers de nouveaux électeurs qui n'avaient pas voté pour lui au