Comment le communautarisme si contraire à la tradition française a-t-il pu progresser ? Interview de Dominique Schnapper, directrice d'étu des à l'Ecole des hautes études en sciences sociales et auteure de la Démocratie providentielle (1).
La montée des communautarismes vous semble-t-elle réelle ?
Ça dépend du sens qu'on donne à ce mot. S'il s'agit du rapprochement de gens ayant des goûts, des affiliations proches, cela est normal. En revanche, cela commence à poser problème lorsque, au-delà de ces rapprochements, la conscience particulière prend le dessus sur la conscience collective, c'est-à-dire, quand on devient exclusivement juif, chrétien ou musulman et qu'on refuse les échanges avec les autres groupes de la société.
Est-ce le cas aujourd'hui ?
Pour l'instant non. Mais il y a des risques de dérive et il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas, à l'intérieur d'une même société, des groupes qui s'enferment dans leur propre particularisme.
Comment en est-on arrivé là ?
C'est incontestablement le résultat d'un affaiblissement des valeurs républicaines, ces valeurs communes qui permettent à la population de vivre ensemble.La logique de l'Etat-providence a fait le reste. Au nom de l'égalité réelle de tous ses membres, l'Etat-providence est intervenu dans tous les domaines de la vie sociale, y compris ethnique, pour lutter contre les discriminations dont certaines populations font l'objet au nom de telle ou telle pratique culturelle. Et l'Etat participe indirectement à la montée des communautarismes quand, par exemple, il forge des politiques de la ville pour certaines populations ; quand il p