Directeur de recherches au Centre d'études de la vie politique française (Cevipof), Jacques Capdevielle analyse les ressorts des mouvements sociaux. Il a publié Modernité du corporatisme aux Presses de Sciences-Po en 2001.
Dans les mouvements sociaux que la France vient de connaître, constatez-vous un regain des idées libertaires ?
Le terme libertaire est trop vaste, trop ambigu. Je préfère parler d'un retour de l'anarcho-syndicalisme, tel qu'il s'est construit il y a tout juste un siècle. Au début du siècle dernier, les syndicalistes révolutionnaires opposaient la sociale à la république. Aujourd'hui, le mouvement se caractérise par un refus du consensus politique libéral, une apologie de la démocratie directe (les délégations) et de l'action directe. La stratégie des anarcho-syndicalistes passait, comme aujourd'hui, par la grève générale. Cette radicalisation du discours comme des actes, nous l'avons constatée dans de nombreux conflits récents. Qu'ils soient sectoriels contre la fermeture d'une entreprise ou plus globaux comme le mouvement contre la réforme des retraites. Au moment des grandes grèves de 1995, déjà, ce renouveau avait été noté.
Qu'est-ce qui différencie cette époque de la précédente ?
En France, il y a toujours eu un fond d'anarcho-syndicalisme. Dans les années 70, il se manifestait dans les «comités de grève». Dans les années 80-90, dans les «coordinations». En 1995, l'unité syndicale se faisait sur la base du métier. Ce printemps, j'ai suivi les manifes