Philosophe, féministe, auteure cette année de Fausse Route (éditions Odile Jacob), Elisabeth Badinter décortique les débats qui secouent l'école républicaine.
L'école de la république est attaquée de tous côtés : on questionne «les pièges de la mixité», on évoque un retour possible de l'uniforme... Les pratiques du passé sont-elles des solutions aux problèmes contemporains ?
C'est ridicule. Ces idées trahissent d'abord une absence absolue de principes et de valeurs auxquels on est attaché. Comme si on voulait revenir au paradis perdu en oubliant complètement qu'on en était sorti justement parce que c'était invivable. C'est terrible d'être amnésique à ce point. La société a changé, les hommes et les femmes aussi, mais on l'ignore, et on s'en remet à un pragmatisme ivre sans jamais penser aux effets pervers des pratiques du passé. Evidemment, il est beaucoup plus facile de lancer en l'air des recettes désuètes que de déclencher un plan d'urgence contre la violence sociale. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Pour résoudre les problèmes du voile, qui est un uniforme que je récuse, certains songeraient à lui substituer un autre uniforme. Beau progrès ! Belle solution ! Qu'on mette plutôt les vraies cartes sur la table.
La mixité à l'école s'est imposée sans réel projet politique, assure le sociologue Michel Fize. Partagez-vous cette analyse ?
Elle n'a pas fait débat parce que nous y étions tous prêts. Faut-il rappeler que c'est sous la plume de Condorcet, fin XVIIIe, qu'on a enfin pensé qu'il fallait éduquer les filles sur les mêmes bancs que les garçons. Il considérait alors les jeunes comme des êtres humains avant d'être des êtres sexués. Sans mixité, c'est-à-dire sans les mêmes enseignants, les mêmes manuels, le même programme, on arrive à des études spécifiques à chacun des deux sexes qui sont contraires au princi