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Interview

Mireille Delmas-Marty : «Une conception policière et guerrière du procès pénal»

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Justice. Mireille Delmas-Marty, professeure de droit, analyse la loi Perben 2 :
publié le 6 février 2004 à 22h49

Mireille Delmas-Marty, professeur au Collège de France, a présidé de 1988 à 1990 la commission justice pénale et droits de l'homme chargée d'une réforme de la procédure.

Les principales critiques concernant la loi Perben 2 portent sur le déséquilibre de notre procédure pénale qu'elle engendrera, avec, par exemple le «plaider-coupable». Qu'en pensez-vous ?

Ce texte accentue un déséquilibre déjà existant. Au lieu de renforcer les juges du siège, il transfère une part de leurs pouvoirs aux procureurs. Je pense que, si le Conseil constitutionnel est saisi et s'il entend rester le garant indispensable de notre Etat de droit, il censurera ces dispositions qui donnent, de fait, aux magistrats du parquet le pouvoir de décider d'une peine pouvant aller jusqu'à un an de prison ferme. De façon très significative, ce texte se trouve d'ailleurs dans la partie du code de procédure pénale consacrée aux «juridictions de jugement». La logique de ce «plaider-coupable» conduira de facto à une sorte de marchandage dans le bureau du procureur et le débat de fond échappera totalement au juge qui ne fera qu'homologuer une peine décidée par un procureur. Cette confusion des pouvoirs de poursuite et de jugement va à l'encontre de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel avait affirmé, le 5 février 1995, que «la séparation entre les autorités chargées de la poursuite et les autorités de jugement» est l'une des garanties de la liberté individuelle. Combinée avec le renforcement des pouvoirs hiérarchiques du ministre de la Justice sur les magistrats du parquet, c'est aussi une atteinte au droit à être jugé par un tribunal impartial et indépendant, au sens de la Convention euro