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Libération
Interview

«Comme l'Angleterre sous Thatcher»

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publié le 8 mars 2004 à 23h37

Pendant quinze jours, Libération interroge des Français touchés par la politique gouvernementale. Aujourd'hui, Frédérique Bidault, 40 ans, avocate au barreau de Lyon.

«Je suis avocate depuis onze ans à Lyon. Si j'ai prêté serment, c'est avec l'idée que la démocratie avait besoin de contre-pouvoirs. Mais ils tendent à s'effacer. Depuis deux ans, les lois Sarkozy et Perben ont laminé le débat public, supprimé les garde-fous, réduit les aménagements possibles. C'est le règne de la délation et de l'automaticité. Vous remplissez les conditions ? Vous ramassez ! C'est d'ailleurs à peu près ce qui est arrivé à Juppé... Je n'ai plus confiance dans le législateur qui a pu voter, en quelques mois, la loi présomption d'innocence, puis la loi Perben 2. C'est fou comme virage.

«Mon inquiétude ne veut pas dire que les juges sont devenus dangereux ou que je n'ai plus confiance en eux. Simplement, si l'un d'entre eux se trompe, il n'y a plus de protection. J'ai peur de devenir un prétexte. Les droits de la défense seraient protégés parce que je suis là ? Mais avec le plaider-coupable, je ne sers pas à grand-chose. Je risque même de pousser un client à accepter une sanction pour être sûr de ne pas plonger plus, alors qu'il aurait peut-être plaidé son innocence.

«Dans les palais de justice, ces réformes ont mis une drôle d'ambiance entre les avocats et les magistrats du parquet. J'y perçois une suspicion que je ne sentais pas avant. En même temps, il y a une nouvelle mobilisation des avocats. Co